“ Cinq femmes et cinq hommes, c’est le principe qui a prévalu pour la composition de notre commission de travail. À la CGT, la parité est un principe qui ne saurait être ni secondaire ni à géométrie variable, mais bien un enjeu constant, auquel nous sommes viscéralement attachés », a rappelé Fabrice Angei, membre de la direction confédérale sortante. Ce document a été validé par la commission exécutive du 20 octobre 2022 à l’issue de quatre séances d’échanges et de coconstruction, les 5 avril, 5 septembre, 4 et 20 octobre 2022. Il se veut comme un trait d’union entre les orientations du 52e Congrès et celles contenues dans le document d’orientation de ce congrès, qui seront soumises cette semaine à l’adoption des syndicats. Le rapport d’activité ne peut être vu sous le seul prisme du seul bilan de la direction confédérale.
Il reflète le bilan d’activité de la CGT dans son ensemble. Comme le congrès est celui des syndicats de la CGT et les résolutions décidées les engagent, comme elles engagent aussi les organisations et les structures
de la CGT.
Un mandat inédit
Un mot caractérise et qualifie le mandat qui s’achève : inédit. Oui, nous avons vécu un mandat inédit. Un mandat qui aura été long, près de quatre années, qui constitue probablement le plus long pour une direction nationale de la CGT.
Outre le premier conflit des retraites, quatre éléments marquants ont percuté ce mandat. Tout d’abord la
pandémie de la Covid-19 avec ses vagues successives de confinement et de pseudo-confinement. Elle a mis
en évidence l’importance à la fois des services publics et des travailleurs dits « invisibles ». Elle a révélé au
grand jour la déshérence de l’hôpital public saccagé par les politiques des gouvernements successifs. Elle a
questionné aussi sur le travail, son sens, sa finalité.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu de forts impacts économiques pour les salariés et les populations
dans un grand nombre de pays, dont le nôtre. À cela s’ajoute avec force, depuis le printemps 2022, une profonde crise du pouvoir d’achat couplée à une inflation générée par une spéculation d’un niveau que nous
n’avions pas connu depuis fort longtemps. Soyons clairs, l’indignation de la CGT n’est pas à géométrie variable. Sa mobilisation en faveur de la paix ne l’est pas non plus. De la Palestine à l’Ukraine en passant par l’Irak, l’Afghanistan et la Syrie, notre internationalisme syndical se développe. Nous exprimons notre solidarité envers les peuples agressés. Nous condamnons les armées et gouvernements qui agressent. De ce point de vue, la lutte de libération nationale du peuple palestinien ressemble à celle, en cours, des peuples d’Ukraine. Ce n’est pas un hasard si des drapeaux palestiniens ont côtoyé les drapeaux ukrainiens lors des manifestations en faveur de la paix.
En la matière, nous avons à changer de braquet pour clamer encore plus fort notre culture de la paix.
Le troisième élément est de nature électorale. Après l’élection présidentielle par défaut, marquée par l’abstention, les élections législatives d’avril 2022 ont débouché à la fois sur une majorité présidentielle minoritaire et sur l’arrivée en force de l’extrême droite, désormais en embuscade.
Il y a danger pour les salariés, il y a danger pour la démocratie. Plus que jamais nous devons redoubler
d’intensité dans notre lutte contre les idées d’extrême droite en mettant en lumière l’imposture sociale
de ces partis. Enfin, la sécheresse persistante et les incendies catastrophiques de l’été 2022 sur l’ensemble
du territoire sont venus rendre palpable le changement climatique et l’urgence de changer de paradigme, en soulignant la pertinence de nos propositions. Une réalité qu’atteste le 6e rapport du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Les bouleversements actuels du climat aggravent les inégalités, les tensions, les affrontements entre les nations. Ils impacteront les peuples, provoquant toujours plus de migrations et de flux de réfugiés. En France, comme partout, ce sont bien souvent les plus pauvres et les plus précaires qui sont les plus exposés aux catastrophes écologiques en cours. Qui sont victimes de la malbouffe, de l’insalubrité des logements, des expositions dangereuses au travail. Ce sont également eux qui souffrent le plus des difficultés d’accès aux services publics.
Travailler largement avec d’autres
Tous les enjeux qui concernent la vie quotidienne et le travail sont syndicaux. Comme pour le féminisme, l’environnement n’est pas qu’un enjeu sociétal. Il est aussi social. Nous avons été amenés – et serons amenés – à agir, proposer, nous opposer, négocier, se mobiliser et travailler largement avec d’autres sur ces sujets. Il est toujours compliqué, dans le respect des statuts, d’arrêter en amont du congrès la rédaction du rapport d’activité, afin d’en permettre l’appropriation et la discussion dans les syndicats et d’anticiper sur le temps restant de la mandature. Nous pensons à la mise en place de France Travail, à la réforme de l’assurance-chômage, aux résultats des élections dans la fonction publique, réforme de l’assurance-chômage, aux résultats des élections dans la fonction publique, où les résultats contrastés pour un même champ ne peuvent se limiter à l’argument parfois entendu et un peu court : « Lorsque l’on perd, c’est la faute de la confédération, et lorsque l’on gagne, on l’oublie. »
Bien sûr, la lutte en cours contre la contre-réforme des retraites nouvelle version, d’une ampleur historique,
donne à voir « en vrai » l’utilité de l’unité syndicale, de la construction d’un rapport de forces, de la stratégie
des luttes, du rapport aux autres permettant le soutien le plus large et du rapport au politique. Oui, cette réforme injuste et injustifiée ne tient plus qu’à un fil et nous sommes à deux doigts de la faire tomber ! Nous
avons débuté ce mandat par une victoire sur la retraite à points, nous le terminons sur le rejet des 64 ans et des 43 annuités !
Un rôle majeur et divers pour le syndicalisme
Si ce contexte inédit a impacté la mise en oeuvre collective des orientations du précédent congrès, il a aussi
révélé le rôle majeur du syndicalisme et la pertinence des propositions de transformation sociale de la CGT,
fondées sur le travail créateur de richesse. Dans ce contexte, nous avons dû tout à la fois mettre en oeuvre
les orientations du 52e Congrès et nous adapter à une situation plus que difficile. C’est dire si l’activité n’a pas
manqué.
Le rapport d’activité que vous avez eu à discuter avec les syndicats entend objectivement faire état de ce qui
a marché, de ce qui a moins bien marché, et de la situation dans laquelle nous sommes. Cinq axes avaient été décidés par le 52e Congrès. Pour mémoire : transformer le travail pour transformer la société ; le nouveau statut du travail salarié et la sécurité sociale professionnelle ; la construction du rapport de forces et les convergences des luttes ; le déploiement au coeur d’un syndicalisme de masse, de classe, utile et efficace ; et enfin les enjeux européens et internationaux.
Le revendicatif et l’organisation ne peuvent pas être dissociés. Ces points sont imbriqués et ils s’articulent
entre eux. Par exemple, lorsque nous évoquons la CGT de toutes et tous, nous parlons à la fois de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, les travailleurs sans papiers, la lutte contre le racisme et les idées d’extrême droite, la laïcité, la jeunesse, ou encore toute la problématique des militants protégés et des libertés
syndicales. Sur ce dernier point, force est de constater mais aussi de combattre la répression antisyndicale qui s’exerce à plein. Cela va du maintien de l’ordre public jusqu'aux entreprises. La répression du mouvement
social en cours n’y déroge pas. Les faits de criminalisation de l’action syndicale sont nombreux. Que ce soit à
l’encontre de militants d’entreprises chez Sanofi, dans l’énergie, les Ehpad, à la prison de Borgo en Corse, et
jusqu'aux responsables d’unions départementales, dont certains sont membres de la direction nationale de la
CGT. Au-delà de la solidarité et du soutien que nous exprimons ici encore aujourd’hui, il est indispensable
de passer de la défensive à la lutte qui, disons-le, a un peu manqué d’impulsion pour la conquête de nouveaux droits. Notamment pour l’assise et la sanctuarisation de nos bourses du travail.
Nous avons fait le choix d’intégrer dans les différentes parties et items, chaque fois qu’il était possible, le volet
international. Traiter de cette façon « l’international », c’est mieux l’intégrer à l’activité de la CGT et non en
faire un à-côté. Par exemple, il en est ainsi dans les parties de texte relatives au travail mené avec les syndicats européens au sein de la CES qui aboutirent, le 9 décembre 2021, à une proposition de directive européenne sur la présomption de salariat pour les travailleurs des plates-formes. Idem pour la tenue du forum syndical international du 14 au 19 juin 2021 sur les transitions écologiques et sociales liant enjeux sociaux et environnementaux, le convoi syndical pour l’Ukraine, notre participation les 8 et 9 octobre dernier à Rome à une manifestation et à un atelier international contre l’extrême droite suite à l’arrivée au pouvoir en Italie d’une néofasciste, ou encore pour le combat victorieux que nous avons mené auprès de la délégation des travailleurs de l’OIT aboutissant à la défaite dès le second tour de Muriel Pénicaud au poste de directeur général de l’institution, candidature pourtant soutenue par la France et l’Union européenne.
Nos affiliations européennes ou internationales ne nous limitent pas dans nos relations. Nous avons toutes
et tous dans nos mémoires le déplacement à Cuba d’une délégation de la CGT conduite, pour la première fois depuis plus de trois décennies, par le secrétaire général, renforçant ainsi les liens avec la Centrale des travailleurs de Cuba. Plus récemment, nous avons exprimé notre solidarité avec le peuple palestinien à l’occasion de la semaine pour la Palestine organisée à la Bourse nationale du travail à Montreuil du 21 au 24 mars 2022, marquée par l’intervention de l’ambassadrice de la Palestine auprès de la CEC, suivie d’un échange. Une délégation conduite par Philippe Martinez et Marie Buisson s’est d’ailleurs rendue en Palestine au printemps 2022.
L’action revendicative de la CGT
Le bilan d’activité porte aussi sur la transformation du travail et sur l’action revendicative de la CGT. Concernant la transformation du travail, il est fait état dans le premier item de l’ampleur qu’a pris le numérique
avec, pour extension, l’ubérisation et les travailleurs des plates-formes. Ensuite, il évoque la santé au travail
et les conditions de travail, soulignant notamment l’importance des actions de la CGT, de l’entreprise au
national, pour la protection des travailleurs pendant la pandémie.
Un autre volet a trait à la démarche CGT pour un plan de rupture en opposition, et comme alternative de progrès social et de respect de la planète, à la logique libérale des plans de relance du gouvernement orientés en faveur du capital et du patronat. Dans ce cadre interviennent, exemples à l’appui au sein d’encarts, les projets alternatifs de la CGT, la question des relocalisations et de la réindustrialisation, notre bataille pour la conditionnalité des aides publiques. Un chapitre est consacré à la campagne des 32 heures et aux différentes initiatives qui la jalonnent : retour d’expérience, journée d’études, déploiement de formations, etc.
Concernant le chapitre relatif à l’augmentation des salaires, il traite de la question prégnante de la fiche de
paie, qui englobe la campagne salaires, les mobilisations qui la rythment et se poursuivent, la campagne
pour la reconnaissance des métiers féminisés, la reconnaissance des travailleurs de première et deuxième
ligne, concluant à la nécessité du nouveau statut du travailleur salarié et de la sécurité sociale professionnelle.
Le chapitre « Le travail créateur de droit » clôt le pre-sociale, le droit à la culture, au sport, aux loisirs et aux vacances, le droit au logement, le droit à la formation professionnelle continue, le droit à un revenu de remplacement face au chômage.
La seconde partie du rapport d’activité se réfère à la construction du rapport de forces et aux luttes. Le premier point traite de la question du syndicalisme de transformation. Il débute avec la lutte qui a marqué le
début du mandat, par laquelle nous avons mis en échec la réforme des retraites par points. Le second point
s’attache à la construction des luttes, les avancées en matière d’ancrage à l’entreprise, la difficulté de l’articulation entre les luttes professionnelles et les mobilisations interprofessionnelles, le questionnement sur la convergence. Avec des exemples de succès mais aussi de difficultés que nous avons connues. Sur les luttes, force est de constater que bon nombre mobilisent beaucoup la CGT, ses syndicats, ses militants et les salariés, d’autres beaucoup moins et sans pour autant que leur intérêt soit au second plan, comme l’illustre la question de l’assurance chômage.
Une CGT toujours mieux en phase avec la réalité
Les conditions du rapport de forces pour gagner et transformer la société sont déterminantes. Partant,
avec lucidité de la réalité observée, il s’agit en contrepoint de revenir sur la démarche de syndicalisation,
l’impulsion d’une démarche de reconquête électorale en faisant état des différentes élections : CSE, TPE,
fonction publique, travailleurs des plates-formes… Parlons vrai. La CGT ne souffre pas d’un défaut d’attractivité. Plus de quarante mille salariés ont rejoints la CGT en 2022, soit un chiffre très supérieur à la moyenne. Plus de douze mille l’ont fait au cours des deux premiers mois de cette année 2023. Alors, pourquoi perdons-nous des adhérents ? Attachons-nous, pour mieux le comprendre, au-delà des non-reversements à CoGéTise, au phénomène des adhérents « isolés » alors qu’ils veulent simplement entrer dans la famille cégétiste. Nous connaissons la difficulté à leur trouver un syndicat d’accueil, à les mettre dans la « bonne case » du champ professionnel. Nous connaissons le délai long, parfois très long, pour contacter les salariés adhérant en ligne. C’est tout cela qui pose un problème et qu’il faut régler, bien plus que les orientations.
Le rapport d’activité aborde aussi la thématique d’une « organisation ouverte vers l’extérieur », permettant de
mettre en lumière le travail engagé avec les associations qui lient de plus en plus leurs préoccupations propres à la dimension sociale que porte le syndicalisme. Il s’intéresse aussi à la construction, lente, de l’unité syndicale, dont l’utilité et l’efficacité pour les salariés n’est plus à démontrer. Est-ce que le mouvement social contre la réforme des retraites serait de cette ampleur sans l’arc syndical au complet qui la combat ? Tout cela se décline dans un premier temps à partir de la notion générale d’égalité des droits et contre les discriminations. Pour ne citer que quelques-uns des sujets pour lesquels nous nous employons : l’égalité femmes-hommes, la lutte contre le racisme et les idées d’extrême droite, la problématique de la jeunesse et la syndicalisation des travailleurs indépendants mais soumis à subordination, la question des travailleurs sans papiers, la laïcité…
Concernant plus particulièrement la lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans la CGT, nous pouvons nous féliciter que le CCN des 1er et 2 février 2023 ait adopté un cadre commun d’action
et d’intervention pour les organisations de la CGT. Il est un signal fort envoyé aux femmes de la CGT, syndiquées, militantes, dirigeantes. C’est un encouragement à prendre sa place dans notre organisation
sans craindre de subir ou de faire face à des mécanismes de domination. Nous avons à y donner vie et la direction confédérale a pris ses responsabilités. La question des militants protégés, dotés de moyens
syndicaux et de libertés syndicales doit également retenir l’attention de tous. Ainsi, les atteintes portées
aux instances représentatives du personnel par les ordonnances Macron et l’affaiblissement de la
négociation collective, tout comme les actions pour la défense des bourses du travail et des militants
syndicaux, la politique des cadres, la protection des lanceurs d’alerte, la reconnaissance de l’action de groupe, la mise en place du devoir de vigilance pour les multinationales doivent faire partie de
notre activité. Ce volet aborde aussi la question de l’organisation syndicale et de sa structuration. À ce titre, la
tenue en octobre 2022 de la conférence sur les unions locales a fait avancer la réflexion sur l’organisation des professions en territoire. En conclusion, ce rapport d’activité montre le chemin que nous avons commencé à parcourir pour reconquérir une culture d’organisation. Il met en avant la réflexion à approfondir sur le sens d’une structuration efficace pour gagner l’affrontement capital travail. Ce qui permet ainsi de faire le lien et son prolongement avec le document d’orientation. Il s’agit pour la CGT de se trouver en phase avec la réalité de la
précarité, de la jeunesse, du numérique et de toutes les formes de discrimination. Il faut continuer à défendre les services publics et en développer partout et pour toutes et tous. À gagner aussi la relocalisation des industries. C’est de cette façon que nous aurons les moyens de relever les défis de demain : économiques, sociaux, environnementaux et démocratiques.