«Depuis janvier, les adhésions à la CGT ont connu une progression que je n’avais jamais vue auparavant », apprécie Ghislain Dugourd, secrétaire de l’union départementale de la CGT Puy-de-Dôme.
Une bonne nouvelle alors que le taux de syndicalisation était en baisse depuis les années 1970 dans le Puy-de-Dôme, notamment en raison de la baisse des emplois industriels et de la hausse de la précarité. Ces dernières semaines, la mobilisation contre la réforme des retraites aimante de nouveau les salariés vers la CGT, y compris ceux qui avaient déserté le combat syndical.
« Sur le site de la CGT, nous avons multiplié par 10 le nombre de demandes d’adhésion depuis janvier », remarque Ghislain Dugourd, alors que celles-ci plafonnaient à deux ou trois par mois. « Sans compter les adhésions qui arrivent lors des manifestations, directement au secrétariat de l’union départementale ou par le biais des sites Internet fédéraux ou du site confédéral. », ajoute-t-il.
La mobilisation contre la réforme des retraites prend diverses formes : rassemblements, débrayages, marches au flambeau, et des initiatives en nombre important dans des villes où on ne les attendait pas : Thiers, Issoire, Ambert…
« La mobilisation s’ancre partout et la population reprend confiance dans l’action syndicale CGT », se félicite Ghislain Dugourd.
Rassembler les isolés.
En dépit de cette embellie, comme partout ailleurs la syndicalisation se heurte à plusieurs obstacles. Première difficulté : la taille des entreprises dans le département. Les micro-entreprises concentrent en effet 20 % des salariés, et les PME, 30 %, principalement dans le textile, le commerce, la santé ou encore la métallurgie. Un chantier pour la CGT du Puy-de-Dôme, qui s’attelle à la création de syndicats départementaux pour ces travailleurs isolés.
« Le syndicat départemental permet de structurer les syndiqués issus d’un même champ professionnel mais pas assez nombreux pour monter leur propre syndicat dans leur entreprise ou dans leur service. Il permet de travailler les revendications professionnelles de manière collective et d’améliorer l’activité de la CGT dans les PME et TPE, précise Ghislain Dugourd. Cela permet d’implanter la CGT dans des entreprises de 60 ou 70 salariés, dans lesquelles nous n’aurions qu’un ou deux syndiqués sans moyens, et de travailler les dossiers par filière professionnelle avec l’ensemble des structures territoriales du département que sont nos unions locales ou nos coordinations syndicales. »
Pour ce faire, l’organisation territoriale tente de répondre au mieux aux besoins des syndiqués et a fait le choix de monter des syndicats départementaux par fédération et par secteur professionnel.
« Le travail de Gilles Casimir, secrétaire général de l’Union syndicale Puy-de-Dôme des travailleurs de la métallurgie en est une illustration. Il a permis de regrouper des isolés à Riom, Issoire, Thiers. »
Après une petite année d’existence, ils sont une quarantaine d’isolés rattachés à cette Union syndicale bien qu’ils ne travaillent pas dans les mêmes entreprises ou sur les mêmes secteurs géographiques.
Pour Fatima Rouaski, chargée de l’animation de la vie syndicale à l’union départementale, l’objectif est d’éviter d’avoir des syndiqués isolés dans la lutte. D’où l’idée d’impulser la création et la coordination de syndicats de site ou de zone pour regrouper ces isolés, qui sont souvent en situation précaire dans de très petites, voire de moyennes entreprises.
Retrouver le collectif dans la lutte
Fatima Rouaski invente des solutions : « Il faut trouver des personnes qui veulent bien s’investir. Souvent elles veulent adhérer à la CGT parce qu’elles aiment nos valeurs et tout ce qu’on apporte. »
« Mais de là à s’investir dans l’entreprise, surtout dans des TPE ! Ça crée de l’inquiétude sur l’ambiance avec l’employeur, ça peut freiner l’enthousiasme, d’autant que dans les TPE si tu es élu tu n’as pas vraiment de moyens », confirme Ghislain Dugourd.
Fatima Rouaski souhaite créer et animer des activités départementales par secteur professionnel pour que les isolés dans les TPE se serrent les coudes. Tout est à construire : « Je viens de la médecine du travail. Ça fait plus de vingt ans que je travaille à l’AIST (Service de prévention et de santé au travail interentreprises). C’est la première fois que j’arrive à constituer une liste avec des cadres, nous avons décroché six sièges au CSE. » « Il reste beaucoup à faire. On sent un manque de connaissance, il faut motiver les adhérents à suivre des formations. Apprendre à se battre, découvrir les outils de la CGT », poursuit-elle. « Les syndicats départementaux par filière permettent de faire le lien entre les fédérations CGT et notre union départementale. Cela favorise une meilleure implantation dans les entreprises et montre qu’il y a une activité syndicale CGT. Les travailleuses et travailleurs retrouvent du sens dans l’action collective et deviennent actrices et acteurs de leur activité syndicale, remarque Ghislain Dugourd, et la mobilisation actuelle contre les retraites en apporte la preuve. Le collectif et la solidarité rendent ce mouvement populaire. Les gens se disent qu’on a intérêt à se réunir pour discuter ensemble des modalités d’action, de revendications communes, de ce que l’on peut porter ensemble pour massifier nos combats communs et gagner le progrès social. »