DOCUMENT D'ORIENTATION - THÈME 1 - DÉBAT

Publié le 30 Mar. 2023
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Le débat sur le thème 1 du document d'orientation a abordé une grande variété de thèmes, de la mobilisation pour les retraites à l'égalité femmes-hommes, en passant par les services publics et l'environnement. Avec un objectif : enrichir la feuille de route de la CGT pour les trois prochaines années.

« Des millions de travailleurs n'avaient jamais fait grève ni manifesté. Il y a une vraie force collective. » La belle mobilisation pour la défense des retraites a immanquablement alimenté les échanges sur le thème 1 du document d'orientation. « Quand il y aura dix millions de grévistes comme en 1968, le gouvernement et le patronat reculeront et ensuite on les fera reculer sur les salaires », lance ainsi cette congressiste de la fédération Banques et Assurances. Même espoir et même volonté d'aller jusqu'au bout chez ce camarade de la santé et de l'action sociale, formulée à peine différemment : « On ne va pas reprendre que la retraite, mais tout leur reprendre. » Une mobilisation en « intersyndicale portée en premier lieu par la CGT », remarque cette déléguée des finances publiques. Parmi les nombreuses grèves évoquées, celle des dockers et portuaires du golfe de Fos (Bouches-du-Rhône) menée depuis le 19 janvier. « Sortons de notre congrès avec un appel à continuer la mobilisation par la grève et les blocages, pour la retraite à 60 ans tout de suite », demande un autre camarade, lui aussi des finances publiques. Il ne veut, en revanche, pas entendre parler d'une médiation. « Nous irions discuter de quoi avec un médiateur ? » interroge-t-il. Les débats sur la mobilisation pour les retraites ont également été l'occasion de dénoncer les violences policières – les forces de l’ordre étant même qualifiées à deux reprises de « milices » – ou d'insister sur la nécessaire préservation des régimes spéciaux, désignés comme « pionniers », à étendre à l'ensemble des salariés. Un exemple parmi d'autres : la caisse de retraite des employés et clercs de notaire, « un régime autonome créé en 1937, excédentaire et très bien géré », qui permet un calcul du montant de la pension sur les dix meilleures années. Plus généralement, c'est la nécessité de « rompre avec le capitalisme » qui est citée comme horizon à terme.

Certains chercheurs préfèrent partir à l'étranger

Les services publics et la fonction publique ont également été évoqués par de nombreux congressistes. Aux finances publiques, par exemple, où la précarité a explosé. Idem au Commissariat à l'énergie atomique (CEA), où « l’attractivité des recrutements » est vue comme trop faible, certains chercheurs préférant partir à l'étranger. Un congressiste mandaté par la fédération Mines-Énergie décrit ainsi un CEA où l'intérim a fait son entrée, mais aussi « les CDD courts et longs, jusqu'à cinq ans, le recours massif à la sous-traitance, des contrats renouvelés tous les trois à cinq ans...» Ce qui s'ajoute à des salaires en berne.
En 2021, précise-t-il, seuls les salaires d'embauche ont été revalorisés et, en 2022, l'augmentation n'a atteint que 3 %, bien loin du taux de l'augmentation des prix. Au chapitre du financement, « nos chercheurs vont surtout chercher des subventions », résume-t-il. Quant au crédit impôt recherche, « il a été accaparé [par de grands groupes, NDLR] au détriment des PME et il se retrouve en partie dans les dividendes ». Mêmes coups de boutoir subis par l'inspection du travail, où la tentative de mettre à la porte Anthony Smith, « suspendu pour avoir fait son travail au bénéfice des salariés du secteur du soin ». Parallèlement, c'est bien le fond du métier qui a été bouleversé, avec « les attaques virulentes contre le droit du travail », qui se succèdent
depuis plusieurs gouvernements. « Le document d'orientation mériterait d'être un peu complété », estime
cette militante, qui demande un retour de la hiérarchie des normes, du principe de faveur, la remise en place
des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), mais aussi « l'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices et versent des dividendes ».
« Les morts au travail sont au mieux des faits divers dans les journaux locaux. Nous ne pouvons pas lâcher
là-dessus, nous devons rendre visible l'invisible »
, continue l'inspectrice du travail. Mais face à l'ampleur du phénomène, « nos services ont été démolis », dénonce-t-elle, rappelant que les inspecteurs du travail ne sont que 1 800 dans tout le pays, avec « 400 sections vacantes ».

Loi Rist : de nouvelles fermetures de lits à l'hôpital ?

Mission de service public, encore, quand il s'agit d'aborder l'hôpital, qui « est en souffrance depuis 2004 et la
tarification à l'acte »
. Au menu, « pénurie de personnel et conditions de travail dégradées ». La loi Rist, qui doit entrer en application en avril, pourrait même entraîner son lot de nouvelles fermetures de lits. Cette militante venue de Bretagne se souvient d'ailleurs d'une visite au centre hospitalier de Rennes du ministre de la Santé François Braun, qui s'était demandé ingénument pourquoi il y a « tant de services d'urgences » dans cet établissement. « Les services continuent de fermer, les lits et les établissements aussi. Nous [les agents
hospitaliers] sommes passés des félicitations à la détestation en quelques mois, poursuit-elle. Nous sommes de toutes les luttes et nous nous sommes sentis bien souvent seuls. »
Des luttes qui englobent celle pour la réintégration des agents non vaccinés. À la RATP aussi, on connaît les ravages de la logique privée, rebaptisée « ouverture à la concurrence », pour alimenter « des dividendes captés par les actionnaires » et auquel ce délégué de la fédération des transports veut opposer « la lutte contre le dumping social » et une « privatisation déguisée », qui ne mènera qu'à la dégradation des conditions de travail des agents et des conditions de transport des usagers. « Une autre stratégie de développement que la filialisation est possible,
souligne-t-il. Il est encore temps d'éviter ce hold-up d'argent public. Une loi transpartisane a été déposée à l'Assemblée nationale pour reporter l'ouverture à la concurrence. »
 Puis il aborde un autre versant de la lutte contre cette casse du service public : « La fédération des transports travaille à un statut unique des salariés du transport de voyageurs, avec pour ambition des droits nouveaux pour tous », concernant les salaires, les classifications, la protection sociale, le temps et les conditions de travail. En guise de conclusion sur le chapitre, une déléguée feint de s'interroger : « Ne croyez-vous pas qu'il faut des services publics forts et bien rémunérés ? » Des enjeux qu'elle trouve trop peu présents dans le document d'orientation, où « la fonction publique, avec ses trois versants, est si peu citée qu'on se demandait si on avait une réelle1 existence à la CGT ». Pour « une vraie répartition des richesses », il faut placer « les fonctionnaires au centre du processus », recommande-t-elle, déçue que, sur les amendements présentés, certains n'aient pas été retenus. Pour
elle, il faut se garder du « risque de glisser vers un syndicalisme fade, qui pourrait à terme devenir du syndicalisme d'accompagnement ».

Métiers vus comme féminins, dépréciés et mal payés

C'est la règle de ce genre de débats, les thèmes se multiplient et se bousculent, pas moins importants les uns
que les autres, parfois même au cours d'une même intervention. « Donnons les moyens à toutes les camarades de participer et de prendre des responsabilités à la CGT », glisse cette militante de la Fédération des services publics pour lancer le débat, bien fourni lui aussi, sur l'égalité entre femmes et hommes. « À travail égal, salaire égal », renchérit une déléguée de la fédération des officiers de marine, « et s’il vous plaît, arrêtez de réduire ce débat au féminisme ». « Ma CGT est féministe », répond une camarade de la Ferc, venue du Finistère, qui prend l'exemple des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), à 93 % des femmes. « Ce sont des agents publics nécessaires à la scolarisation de nombreux enfants. Pour autant, elles n'ont pas de statut. » Elles doivent également faire face à une augmentation du nombre d'élèves accompagnés, une baisse du temps passé avec chacun d'entre eux, et une hausse du nombre d'établissements scolaires dans lesquels elles sont amenées à intervenir. « Dans notre société, un métier vu comme féminin est déprécié et mal payé. Les AESH ont besoin d'un syndicat de classe et de masse. Nous luttons pour et avec elles contre la précarité. Nous avons adapté notre stratégie et nos modes d'action, avec des formations syndicales, mais aussi plusieurs mouvements de grève. »
« Notre CGT est anticapitaliste, féministe et unie dans la lutte », conclut-elle. Transition toute trouvée pour
affirmer qu'il faut « être sans concession sur la question des violences sexuelles et sexistes dans la société et au travail. Et évidemment au sein de la CGT, qui ne peut prétendre être épargnée. Tolérance zéro pour les auteurs de violences sexistes et sexuelles, qui n'ont pas de place à occuper à la CGT. »

L'environnement parmi les préoccupations majeures

L'environnement se classe également parmi les préoccupations majeures. « Nous sommes opposés à une écologie punitive, lance un premier délégué. Si une activité s'arrête, une autre doit la remplacer. » Ce dernier a ainsi du mal à admettre que les centrales à charbon ou les activités portuaires puissent se trouver dans le viseur de certaines organisations. « Dans la marine, il y a aussi des travailleurs et des travailleuses, poursuit la déléguée de la fédération des officiers de marine. Ce n'est peut-être pas très écolo mais ce sont nos emplois et nos salaires qui font vivre nos familles. Nous refusons l'opposition entre travail et écologie. » « Le combat écologique ne peut se faire sans lutte des classes », intervient une cheminote de la Haute-Vienne, qui liste les enjeux : accès à l'eau, réchauffement climatique, pollution aux plastiques, disparition des forêts primaires et des abeilles... Celle-ci regrette qu'il n'y ait « pas de débat interne sur l'énergie ». Elle appelle la CGT à mettre en place des formations, notamment sur les droits d'alerte environnementaux et cite le « radar
environnemental de l'Ugict »
, qui « peut être un outil pour les syndicats en difficulté sur les questions environnementales ». L'implication de la CGT dans le collectif Plus jamais ça est discutée, certains estimant
que cela n'a pas fait l'objet de débats internes, d'autres rappelant que le principe en a été acté dans le document d'orientation du dernier congrès. Des délégués de la fédération de l'agroalimentaire ont, de
leur côté, réclamé d'intégrer des préoccupations telles que la souveraineté et la sécurité alimentaires, ainsi
que « l'accès à une nourriture saine ». « Il faut une maîtrise nationale des différentes branches alimentaires et
une appropriation des moyens de production »
, tranche une congressiste travaillant pour Nestlé, dans l'Oise.
De quoi alimenter un programme très copieux pour les trois ans à venir.

 

LA RÉPONSE DE LA COMMISSION

« Depuis sa création, la CGT porte un syndicalisme de classe et de masse. » Voilà la première phrase du document d'orientation, telle que réécrite par la commission des amendements. En réponse au débat qui venait de s'achever, Michel Molesin, pour la commission des amendements, a précisé que la notion de « rupture avec le système capitaliste » a été ajoutée dès le quatrième paragraphe du préambule. Autre ajout : l'hôpital public défini comme « pilier du système de santé en France » ou encore le nécessaire renforcement « en moyens humains et financiers » des services publics et l'attachement « au maintien et au renforcement du statut général de la fonction publique ». Quant à la défense des régimes spéciaux de retraite, une proposition d'ajout a suivi dans l'après-midi. Concernant une demande de mentionner un retour aux 37,5 ans d'annuités pour une retraite à taux plein, elle modifierait le cahier revendicatif actuel de la CGT.
« Nous sommes pour la retraite à 60 ans à taux plein, avec des départs anticipés » et une pension minimale à 2 000 euros, rappelle Michel Molesin. Autre précision de la commission : « Nous n'opposons pas développement humain et [lutte contre le] dérèglement climatique, ni industrie et écologie et environnement. »

Un nouvel indice des prix

La commission a encore proposé d'enrichir le document avec l'exigence d'une « souveraineté alimentaire des peuples », de « sécurité alimentaire », mais aussi d'accès et de gestion à l'eau relevant du service public. Quant à « la construction d'un indice des prix fiable mesurant véritablement l'inflation », elle est jugée nécessaire pour « l'établissement d'un véritable système d'échelle mobile des salaires ». Les services publics font également l'objet d'une attention particulière, avec la revendication d'un « plan d’investissement massif » pour les transports, « dans le cadre de la transition écologique » et la demande de réaffecter les 7,5 milliards d'euros du crédit impôt recherche à la recherche publique.

CAP SUR LE 6 AVRIL !
Après deux mois d’un mouvement social exemplaire et inédit depuis cinquante ans,
l’intersyndicale invite à poursuivre la mobilisation et appelle les millions de travailleuses et travailleurs, les jeunes et les retraités à continuer de se mobiliser. Elle appelle à des rassemblements syndicaux de proximité et à une nouvelle grande journée de grèves et de manifestations, le jeudi 6 avril, partout dans le pays.
résultat vote - Rapport financier

 

Repère revendicatif